Renaturation boisée pour l’agriculture

La transformation du paysage autour de Gland (VD) est emblématique de l’évolution du paysage en Suisse. Ces dernières décennies, plusieurs phénomènes parallèles ont fait reculer les surfaces naturelles: développement de l’infrastructure, croissance des agglomérations et intensification de l’agriculture. Or, depuis peu, des paysan·nes motivé·es recourant à des solutions arborées ont dessiné des paysages plus proches de l’état naturel.

La commune vaudoise de Gland est ancrée dans le paysage doucement mamelonné entre le pied du Jura et le Léman. Jusqu’au milieu du XXe siècle, ce village et les collines avoisinantes avaient un caractère nettement agricole. Les terres fertiles étant propices aux activités rurales, l’agriculture joue depuis des temps immémoriaux un rôle majeur alors que le travail de la vigne – la commune fait partie de la traditionnelle région viticole de La Côte – a aussi une grande importance. Mais comme presque partout ailleurs en Suisse, les dernières décennies ont modifié le paysage du bourg et de ses alentours.

 

Modifications du paysage

Dès l’ouverture de l’autoroute en 1964, de nombreuses entreprises industrielles s’y sont installées, provoquant une explosion démographique foudroyante: en 30 ans, le nombre d’habitants a été multiplié par sept. Il a fallu loger ces gens, on a donc bâti logements et infrastructures. Ajoutez les effets secondaires du remaniement parcellaire et de l’accroissement des cultures intensives: le paysage traditionnel a été dépecé, la mosaïque d’antan des prés et champs a disparu.

De nombreuses surfaces de prairies fleuries, les arbres et les buissons se sont évanouis du paysage. Dans la foulée, des habitats essentiels pour insectes, petits animaux, gibier et oiseaux se sont éclipsés. Ces êtres ne trouvent plus les structures végétales et boisées qui leur fournissaient refuges, lieux de nidification ou de repos. Les biotopes restants sont de plus en plus isolés et se trouvent en marge des zones où règnent des cultures monotones.

De quelle manière le Fonds Suisse pour le Paysage (FSP) peut-il contribuer à valoriser la création d’un paysage plus proche de la nature à Gland?

 

Changer le paysage

Un nombre croissant d’exploitations agricoles de la commune ont mis en place des systèmes d’agroforesterie: un modèle d’utilisation du sol très prometteur dans ce contexte. En (ré)intégrant des éléments boisés tels qu’arbres ou haies, en plus de tas de branchages ou de pierres et prairies fleuries au sein des grandes cultures ou des cultures maraîchères, les écosystèmes sont reconnectés et des processus écologiques essentiels sont relancés: les arbres protègent contre l’érosion des sols, le lessivage des éléments fertilisants et le vent, sans oublier les effets positifs sur l’équilibre hydrique et le microclimat. Les arbres participent à la baisse du taux de CO2 dans l’atmosphère, fixant ce gaz pour le transformer en oxygène. De surcroît, l’agroforesterie élargit la palette des produits des exploitations tout en ajoutant arbres et buissons, dont les silhouettes imprègnent agréablement les paysages agraires contemporains homogènes.

Concrètement, le bureau de mise en valeur du patrimoine naturel In Situ Vivo coordonne une aide du FSP octroyée à deux projets chapeautés par les associations des Réseaux écologiques de Nyon Région et Cœur de la Côte. Ces dernières servent derelais et soutiennent agricultrices et agriculteurs qui entendent connecter leurs efforts en faveur de la biodiversité afin que leur domaines soient plus proches d’un paysage naturel. En plus de l’aide spécifique du FSP, ces organisations reçoivent une subvention agricole pour la réalisation de différentes mesures. En outre, des conseils sont prodigués, la communication simplifiée et l’échange de savoirfaire stimulé.

 

Chaque arbre compte

Grâce à l’initiative de deux paysans de Gland, on plantera, dans le cadre de ces projets de réseaux écologiques, des rangées d’arbres sur trois parcelles proches des habitations. Jusqu’à fin 2022, un total de 1568 fruitiers haute-tige prendront racines sur des terres agricoles. Une combinaison d’espèces régionales, résistantes ou anciennes assurera une diversification de leurs produits et du paysage. Ces rangées d’arbres fruitiers ou à coques seront plantées sur trois champs autour de Gland, entre des céréales ou du tournesol. De la sorte, les récoltes des paysans seront complétées par des pommes, des poires, des cerises, des prunes, des coings, voire des noix ou des amandes. Afin d’encourager la création de corridors pour la faune sauvage et d’habitats pour petits et grand animaux, on plantera 1320 nouveaux buissons autour et entre les parcelles en vue de monter un réseau de haies vivantes. Des poteaux-perchoirs pour oiseaux de proie seront installés en plein champ afin de mieux contrôler les populations de campagnols.

 

Autrefois, actuellement, à l’avenir

Le paysage agroforestier fait de nombreuses haies, buissons et arbres s’est établi traditionnellement dans l’espace lémanique dès le Moyen-Âge. Pour preuve: la présence de ces cultures sur des gravures ou peintures anciennes représentant les alentours de Gland. Si l’on s’en réfère à l’histoire des usages agricoles, on constate que la coexistence entre agriculture et nature était réalité. Le FSP espère voir réapparaître à l’avenir pareilles synergies. Il ouvre désormais un nouveau chapitre de soutien à l’agroforesterie: l’introduction de rangées d’arbres ou de haies en terres ouvertes. Les haies et fruitiers des champs de Gland sont encore jeunes, mais ils porteront bientôt leurs fruits et permettront un retour progressif de la nature au sein du paysage.

Rapport dans le Bulletin